
Islam et femme, vers une quête d’émancipation !
Islam et femme, vers une quête d’émancipation !
Au moment où je poste cet article nous sommes le 8 mars, et en cette Journée Internationale des Droits de la Femme, quoi de plus approprié que de vous parler de l’évolution des droits des femmes dans les pays arabo-musulmans ? Trop souvent réduites à des clichés, les femmes et leur place dans ces pays cachent des réalités bien plus nuancées. J’ai moi-même embrassé l’Islam tardivement, n’étant pas à l’aise avec l’image que l’on a de la femme musulmane, voire en total désaccord. Pourtant, depuis quelques années, le féminisme islamique émerge justement pour réinterpréter le Coran et rappeler aux femmes leurs droits pour les accompagner dans leur émancipation dans les sociétés musulmanes. Et ces modèles, ces réinterprétations loin des clichés patriarcaux, m’ont “réconciliée” avec l’Islam et m’ont permis d’embrasser ma foi dans sa globalité, tout en respectant mes opinions féministes. Alors, préparez-vous à casser vos préjugés, à découvrir des figures emblématiques de cette lutte et, bien sûr, car vous connaissez mon goût pour la lecture, à plonger dans quelques livres passionnants pour approfondir le sujet !
Le féminisme islamique, qu’est ce que c’est ?
En Occident, quand on pense Islam et femme on pense souvent soumission. Prisme réducteur de la religion musulmane, alimenté par les médias et les politiques, cette vision est pourtant loin de la réalité ! (Pas d’inquiétude, on ne vous en veut pas mais on va remédier à tout ça !)
Si l’on se penche sur le Coran, texte sacré de l’Islam, on peut découvrir que c’est une religion qui prône dans son essence même l’égalité des sexes (et oui rien que ça !). C’est en tout cas ce que défend le féminisme islamique, un mouvement qui a émergé dans les années 1990 et qui a pour objectif d’apporter cette lecture du Coran plus égalitaire des sexes. Son but ? Relire et analyser les textes sacrés sous un angle plus juste, afin de mettre en lumière un message d’égalité souvent ignoré, et dénoncer les interprétations patriarcales qui, au fil du temps, ont relégué les femmes à un rôle secondaire.

Ce mouvement repose sur l’idée clé que le prophète Mahomet lui-même était un fervent défenseur des droits des femmes. Le féminisme islamique cherche donc à déconstruire la vision dominante et la lecture majoritaire du Coran, et à démontrer que des pratiques telles que l’inégalité dans l’héritage, le divorce ou encore l’acceptation de la polygamie ne sont pas des préceptes divins, mais des constructions humaines masculines, façonnées par des contextes historiques et sociaux. Ce mouvement ouvre un espace de réflexion et de débat pour promouvoir les droits des femmes dans les sociétés musulmanes et leur permet de reprendre la parole et leur place dans leur propre religion.

Manifestation contre le harcèlement sexuel, place Tahrir, Le Caire, 6 février 2013

Participation de femmes à une manifestation antigouvernementale – Place Tahrir, Bagdad, 13 février 2020. Ahmad Al-Rubaye/AFP
Ce mouvement a déjà eu un impact notable dans plusieurs pays musulmans, comme l’Iran, l’Égypte et le Maroc, où il a nourri des discussions profondes sur le statut de l’islam et femme. Au Maroc, par exemple, il a contribué à une réforme majeure du code de la famille en 2004, qui a permis notamment d’abolir l’obéissance obligatoire de la femme envers son mari, de relever l’âge minimal du mariage à 18 ans et d’instaurer le droit pour les femmes de demander le divorce. Ainsi, le féminisme islamique ouvre un espace de dialogue pour repenser l’Islam comme une religion d’égalité, capable de s’adapter et d’évoluer avec son époque !
Islam et femme : cinq figures emblématiques du féminisme arabo-musulman
Huda Sharawi, pionnière du féminisme en Egypte
Féministe pionnière, Huda Shaarawi a fondé le premier grand mouvement féministe égyptien, publié une revue lue dans tout le monde arabe et joué un rôle très actif pour l’égalité des genres, notamment en militant pour l’éducation des femmes et des filles !
Née en 1879, elle va être mariée à seulement 13 ans, mais elle bénéficie malgré tout d’une éducation formelle poussée, apprenant à écrire des poèmes en arabe et en français. En 1919, elle fonde la Ligue féministe égyptienne et milite activement pour l’accès des femmes à l’éducation, à la santé et à la vie publique. Elle joue également un rôle de premier plan dans la révolution égyptienne de 1919, lors de laquelle elle est élue présidente du Comité Central des Femmes du parti Wafd en 1920. Et cette même année elle organise des conférences pour les femmes, leur offrant un accès inédit aux espaces publics et les encourageant à revendiquer leurs droits !

Son geste le plus symbolique reste le retrait public de son voile en 1923 à la sortie d’un train, un acte de protestation contre l’oppression des femmes, devenant ainsi un moment marquant de l’histoire féministe arabe !
En 1925, elle fonde “L’Égyptienne”, l’un des premiers magazines féminins du pays, un journal mensuel qui promeut les droits des femmes et l’égalité des genres (mais clôturé en 1940). Elle était également une figure importante sur la scène internationale, représentant l’Égypte lors de congrès féminins à travers le monde, notamment à Paris, Amsterdam et Genève. Décédée en 1947, l’UNESCO a commémoré les 75 ans de sa disparition en 2022 en soulignant son rôle pionnier dans la lutte pour les droits des femmes dans le monde arabe (rien que ça !)

Zaynab al ghazali et la fondation des “Femmes Musulmanes”
Zaynab Al Ghazali, née en 1917 en Égypte, est elle aussi une figure importante du militantisme islamique. Dès son enfance, son père, très religieux, l’encourage à devenir une leader en s’inspirant de Nusaybah bint Ka’ab, l’une des premières femmes à se convertir à l’Islam. À 18 ans, elle fonde l’Association des Femmes Musulmanes, un groupe qui promeut une société islamique et qui rejette le nationalisme et la laïcité. Bien qu’elle soit proche des Frères musulmans, elle choisit de garder son indépendance.

Zaynab Al Ghazali a œuvré pour améliorer la condition des femmes grâce à son association en leur permettant de s’éduquer et de jouer un rôle actif dans la société. L’association dispensait gratuitement des cours pour les femmes, dirigeait un orphelinat et intervenait aussi en tant que médiatrice lors de conflits familiaux.
Cependant, sa vision des femmes reste traditionnelle : elle estime que leur rôle principal est d’être épouse et mère, ce qui a limité leur émancipation dans d’autres domaines. Malgré cela, elle a été une pionnière en revendiquant un rôle actif pour les femmes dans un cadre islamique plutôt rigoriste. Emprisonnée en 1965 sous le régime de Nasser, elle subit de terribles tortures pendant six ans, une expérience qu’elle relate dans son livre Le Retour du Pharaon”. Libérée en 1971, elle continue son engagement, mais ses idées sont critiquées pour leur caractère conservateur. Elle reste une figure marquante du militantisme islamique jusqu’à sa mort en 2005, alimentant encore les débats sur la place des femmes dans l’islam politique !

Malika El Fassi, militante des droits de la femme marocaine
Malika El Fassi, née à Fès en 1919, bénéficie d’une éducation exceptionnelle pour une femme de son époque. Son père tenait à lui donner exactement la même éducation que ses deux frères, incluant des matières littéraires et sportives, et lui permettant aussi de suivre des cours privés. Très tôt, elle commence alors à écrire des articles, des romans et des pièces de théâtre, publiés sous des pseudonymes. A quinze ans par exemple, elle publiait des articles où elle dénonçait les injustices faites aux femmes surtout face à l’interdiction de leur accès à l’Université Al Qaraouiyine, sous le pseudonyme “El Fatate” (la jeune fille).

Engagée dans le mouvement nationaliste marocain dès 1937, elle devient la seule femme signataire du Manifeste de l’Indépendance en 1944, parmi 66 hommes ! Et à la même époque elle prend même la tête de la Résistance et de l’Action Féminine ! Malika El Fassi est aussi une militante passionnée pour les droits des femmes, notamment pour la scolarisation des jeunes filles et la lutte contre l’analphabétisme. En 1947, elle ouvre une section pour filles à l’université de la Qaraouiyine à Fès. Et après l’indépendance du Maroc en 1955, elle présente au roi Mohammed V une motion pour le droit de vote des femmes, adoptée en 1963. Décédée en 2007, elle s’est imposée comme une figure emblématique du Maroc grâce à son engagement pour l’indépendance et les droits des femmes !

Nawal el saadawi, écrivaine féministe égyptienne
Comment parler féminisme islamique et défense des droits des femmes sans citer Nawal El Saadawi ? Psychiatre, écrivaine et militante, c’est une figure clé du féminisme arabe et de la défense des droits des femmes ! Née au Caire en 1931, elle s’est imposée comme l’une des voix les plus influentes de la lutte contre le patriarcat dans le monde arabe !

Dès les années 1970, elle ose aborder des sujets comme l’excision, l’avortement, la sexualité, les abus sexuels sur les enfants et les différentes formes d’oppression des femmes. Dans son roman « Elle n’a pas sa place au paradis”(1972), elle établit un lien entre oppression sociale, sexuelle et doctrine religieuse (un scandale pour l’époque !) Dans « La femme et le sexe, ou les souffrances d’une malheureuse opprimée” qui sera publié en 1974, elle abordera le sujet des femmes réduite à un simple objet de jouissance, par une société arabo-musulmane qui les confine dans leur rôle d’esclave. L’année suivante, « Femme au degré zéro” (1975) poursuit cette critique avec le témoignage d’une femme abusée dans son enfance et dont la recherche de liberté finit en quête de revanche dans le meurtre de son souteneur.
Son engagement lui a valu de nombreuses distinctions, dont le prix du Conseil Supérieur de Littérature (1974), le prix littéraire de l’amitié franco-arabe (1982) et le prix littéraire de Gubran (1988) et la plupart de ces œuvres ont été traduites dans plus de trente langues !
Malheureusement en 1981, son combat la mène en prison pour avoir contesté la loi du parti unique sous Anouar el-Sadate, une expérience qu’elle relate dans « Mémoires de la prison des femmes”. Libérée sous le régime de Moubarak, elle fonde en 1982 l’Association Arabe pour la Solidarité des Femmes, qui sera ensuite interdite en 1991. Puis, face aux menaces de mort dans son pays, elle choisit l’exil vers les Etats-Unis. Aujourd’hui disparue en mars 2021, Nawal el saadawi demeure un symbole de la lutte pour les droits des femmes et est souvent appelée la Simone de Beauvoir du monde arabe. À travers son travail, elle a non seulement critiqué les systèmes politiques et religieux qui perpétuent l’inégalité, mais a aussi inspiré des générations de féministes en Égypte !

Asma Lamrabet et sa défense du féminisme islamique
Asma Lamrabet mène plusieurs vies : hématologue le matin, directrice du Centre d’études et de recherches féminines en Islam (CERFI) l’après-midi, écrivaine le soir ou encore conférencière engagée aux quatre coins du monde. Son combat ? Délier les langues et bousculer les interprétations dominantes sur les femmes en Islam.

Née en 1961 à Rabat, c’est une médecin et intellectuelle marocaine, figure majeure du féminisme islamique progressiste. Elle milite, comme évoqué plus tôt, pour une relecture des textes religieux affranchie des prismes du patriarcat, plaidant pour l’émancipation des femmes dans les sociétés musulmanes. À la tête du CERFI, affiliée à la Rabita des oulémas du Maroc, elle développe une approche réformiste et égalitaire du discours religieux. Pour elle, « la question des femmes doit être pensée dans un référentiel qui est le nôtre », favorisant une interprétation féministe et juste des textes sacrés.
De 2004 à 2007, elle coordonne un groupe de recherche sur les femmes musulmanes et le dialogue interculturel à Rabat, avant de devenir en 2008 présidente du Groupe international d’études et de réflexion sur femmes et Islam, basé à Barcelone. Écrivaine et conférencière influente, elle plaide également pour une réforme des discours religieux afin de promouvoir l’égalité des sexes dans la religion musulmane. Son engagement lui vaut de nombreuses critiques de la part de courants conservateurs, mais elle reste une figure importante toujours parmi nous, pour un Islam progressiste et féministe ! En 2019, Asma quitte le Maroc et décide d’ôter son voile, qu’elle porte depuis des années. C’est un geste fort qui a fait l’effet d’une bombe au Maroc, elle a expliqué son choix en disant : “ Se libérer ce n’est pas se libérer sur le plan vestimentaire ou son aspect extérieur… se libérer c’est être libre de toute aliénation, de toutes les idéologies hégémoniques …et en tant que croyante ma seule aliénation c’est mon amour pour le Créateur de ces Mondes qui nous a créé libres et dignes ».

Livre Islam femme : nos recommandations pour en apprendre plus sur le sujet
Quoi de mieux qu’un bon livre, confortablement installé au coin du feu ou sur un transat pendant vos vacances, pour explorer le lien entre Islam et femme ? Ce mois de Ramadan est également le moment parfait pour se questionner sur ce sujet ! Et si vous me suivez depuis un certain temps, vous savez à quel point je suis passionnée par la lecture et combien j’aime ajouter des recommandations littéraires à mes carnets de voyage ! Alors, voici huit livres incontournables à ajouter sans hésiter à votre liste de lecture.
La sexualité dévoilée - Nadia El Bouga
Nadia El Bouga, sexologue musulmane, aborde la sexualité dans l’Islam, dénonçant les interprétations patriarcales et réclamant une réconciliation entre tradition islamique, féminisme et plaisir. Elle remet le désir féminin et la sexualité épanouie au cœur du débat.
Islam et Femmes : Les Questions qui fâchent - Asma Lamrabet
Asma Lamrabet explore les discriminations faites aux femmes dans les sociétés musulmanes en clarifiant les malentendus, rectifiant les préjugés sexistes et dénonçant les interprétations patriarcales. Un livre qui m’a “réconciliée” avec l’Islam.
La femme dans l’inconscient musulman - Fatéma Mernissi
Fatema Mernissi analyse les représentations de la femme dans le discours religieux et les peurs des milieux conservateurs face à la modernité. Un des premiers livres de cette militante féministe, trahissant sa fougue des débuts, son impétuosité et sa liberté de parole.
Depuis longtemps le lien entre Islam et femme est bien trop vite associé à une vision réductrice et stéréotypée de la femme, liée à la soumission. Pourtant, en voyageant j’ai appris que cette vision était totalement fausse et que la pratique de l’Islam révèle une réalité bien plus nuancée. Le féminisme islamique a notamment gagné en popularité depuis les années 1990, en cherchant à réinterpréter les textes sacrés sous l’angle de l’égalité des sexes. Et des figures emblématiques comme Nawal El Saadawi, Zaynab Al Ghazali ou Huda Sharawi ont montré qu’il était justement possible de briser les idées reçues en étant à la fois féministe et musulmane. Aujourd’hui les femmes musulmanes ont les clés pour apprendre à réinventer leur rôle et militer pour des pratiques plus progressistes et féministes en suivant les traces des noms précédemment cités. Étant moi-même musulmane et fervente du féminisme, j’espère que cet article vous aura permis de déconstruire vos préjugés ! Et je vous invite à ce sujet à découvrir mon article sur mon propre voyage spirituel qui m’a permis de mieux comprendre la religion musulmane. Et si l’envie vous dit d’aller encore plus loin de dépasser les préjugés en partant à l’aventure pour découvrir la vraie âme des pays arabo-musulmans, n’hésitez pas à faire appel à mes services de travel planner. Alors, prêt à vivre une immersion dans la culture arabo-musulmane ?