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Illustration article voyages qui ont marqué ma vie

Le changement d’année est toujours pour moi l’occasion de dresser un bilan. On regarde en arrière, on se remémore l’année qui vient de s’écouler, mais aussi plus largement la période, car la vie est assez cyclique au final, et puis plus largement sa vie. On en tire des leçons, et cela permet de commencer l’année, la période, le reste de sa vie, en conscience.

Cette fois-ci, alors que j’entame l’année 2024 sans aucun voyage prévu (entrepreneuriat oblige, tmtc), ce qui ne m’est encore jamais arrivé je crois, je me suis dit que j’allais me poser deux minutes pour réfléchir aux voyages qui ont marqué ma vie, et pourquoi. Petite introspection propre aux périodes de transition, que je partage avec vous !

 

« Voyager c’est grandir. C’est la grande aventure.

Celle qui laisse des traces dans l’ame. »

Marc Thiercelin

Le Maroc

2009

J’avais 21 ans, j’étais étudiante en école de commerce, et j’avais un stage de 6 mois à effectuer dans le cadre de mes études. Aucune obligation de le faire à l’étranger, mais j’avais envie de changer d’air et de voir autre chose que la France. Je n’avais jamais pris l’avion (je ne viens pas d’une famille de grands voyageurs), et n’avais jamais quitté l’Europe. Mon cousin Julien m’attendait à Casablanca : il avait effectué un stage en informatique, et avait été recruté par l’entreprise en question à l’issue de ce stage. Il m’avait vanté les entreprises marocaines, qui n’ont pas peur de confier de grosses responsabilités aux stagiaires, notamment ceux qui étudient en Europe. Cela m’a convaincue d’envoyer quelques CV dans des agences d’événementiel !

 

Et je n’ai pas été déçue : après un mois comme assistante de production, j’ai été propulsée chef de projet sur le plus gros événement au Maroc cette année-là : le FIFA World Cup Trophy Tour by Coca-Cola. Un budget à 3 millions de dirhams, le trophée de la Coupe du Monde de football qui fait le tour d’Afrique et qui passe 3 jours à Casablanca, 8 événements différents sur 3 jours, une équipe (formidable) à manager alors que je n’étais que stagiaire, un maître de stage qui se désengage complètement pour ne pas avoir à se mouiller si jamais ça tourne mal… bref, on ne peut pas faire plus formateur ! Et puis après ce stage, ma confiance en moi était reboostée à fond : je venais de prendre conscience que j’étais capable de faire de grandes choses !

 

J’ai énormément travaillé au cours de ce stage (30 minutes de sommeil en 3 jours d’événement, ça compte ?), mais j’en ai tout de même profité pour voyager et découvrir ce pays. Avec mes colocs et nos amis (une équipe de joyeux lurons composée de Français et de Marocains), nous en avons fait des kilomètres ! La découverte du Maroc a marqué ma vie à jamais : pour la première fois de ma vie, je me sentais à ma place quelque part, alignée avec mes valeurs. J’ai développé un profond attachement pour ce pays au cours de ce séjour, et je savais en partant que je reviendrai m’y installer un jour. Il a fallu une dizaine d’années pour sauter le pas, au cours desquelles je « rentrais » au moins une fois par an au Maroc car cela me manquait trop…

Maroc - Vallée du Draa avec les colocs

La Thailande

2010

A la fin de mon stage au Maroc, je suis rentrée en France pour les fêtes, et le 1er janvier 2010 je m’envolais à nouveau pour 6 mois en Thaïlande ! Toujours dans le cadre de mes études, mais cette fois-ci pour un semestre d’échange universitaire obligatoire. Premier vol long courrier (petite anecdote : j’ai pris le premier vol long courrier de l’A380, donc c’était champagne et glace Haägen Dazs à volonté pendant tout le vol ahah !), cours en anglais (j’avais un niveau vraiment merdique, cela m’a demandé un gros dépassement de soi !), et grosse découverte culturelle  au programme (je ne connaissais pas du tout l’Asie).

 

Mais ce qui a le plus marqué ma vie au cours de ce séjour, c’est la guerre civile qui a éclaté en Thaïlande entre les « chemises rouges » (Front national uni pour la démocratie et contre la dictature) et les « chemises jaunes » (représentant le roi et le gouvernement en place), et qui s’est déroulée sous nos yeux. Une série de manifestations et d’émeutes ont eu lieu, faisant grimper la tension crescendo entre mars et mai 2010. L’université privée dans laquelle j’étudiais, fréquentée uniquement par de riches Thaïlandais, a été visée plusieurs fois par les chemises rouges : un matin, on a trouvé une bombe devant l’entrée principale… et nous n’étions plus très rassurés à l’idée de porter l’uniforme en ville.

 

Puis les choses ont clairement dérapé : Bangkok est déclaré en état d’urgence le 8 avril, l’armée décide d’envoyer ses chars en pleine ville pour évacuer les camps de chemises rouges venus des campagnes pour protester (camps situés à 500 mètres de notre résidence étudiante), cela se finit en bain de sang (85 morts et 2 100 blessés). L’ambassade américaine décide de rapatrier la totalité de ses citoyens sur le territoire, mais côté français aucune mesure n’est prise, même pas un site internet mis à jour avec quelques recommandations. Livrés à nous-mêmes, nous décidons avec d’autres étudiants de quitter le pays pour quelques semaines, au profit du Cambodge et du Laos voisins. Nous finissons notre semestre avec des cours à distance, et nous suivons aux infos la sitution à Bangkok, qui est catastrophique. Sur des vidéos sur Internet, nous reconnaissons notre rue, avec des corps inertes sur les trottoirs, c’est assez traumatisant.

 

Nous sommes finalement obligés de rentrer à Bangkok pour récupérer nos affaires laissées dans notre résidence et prendre notre vol retour en France. Ce ne fut pas une mince affaire, puisque toute la zone avait été barricadée par les militaires et qu’un couvre-feu avait été décidé. Après négociation, les militaires nous laissent pénétrer dans la zone en nous demandant de longer les murs au cas où il y aurait des snipers dans les immeubles (ambiance…). Nous récupérons nos affaires et évacuons en urgence le quartier suite à une alerte à la bombe. A ce moment-là, j’ai l’impression d’être dans un jeu vidéo, c’est complètement surréaliste, et mon cerveau est en plein déni, par automatisme d’autodéfense psychologique je pense. Le lendemain, j’embarque pour rentrer en France. Le vol est long et sans encombre, et lorsque l’avion entame sa descente et que j’aperçois les champs verdoyants de l’Île-de-France, je me mets à pleurer sans plus pouvoir m’arrêter. Mon cerveau, qui s’était mis en mode « pilote automatique » pour gérer le stress des événements en Thaïlande, se relâche, toute la pression retombe. Je me sens enfin en sécurité, et j’évacue toute la peur et le stress des dernières semaines.

 

Suite à mon retour en France, je me sens déprimée, je n’ai plus envie de rien, plus de motivation… Je sens que je suis en choc post-traumatique, et je décide de repartir un mois au Maroc pour switcher de mood et me rappeler à quel point la vie est belle ! Cette décision m’a permis de me sortir de cette mini dépression, mais il m’a fallu plusieurs années avant d’avoir à nouveau envie d’aller en Thaïlande (et je parle simplement de l’envisager, car au final je n’y suis pas encore retournée ????) !

Thaïlande - Leslie et d'autres étudiantes françaises en uniforme

Le Cambodge

2010

Vous l’avez compris, la fin de mon échange universitaire en Thaïlande a été mouvementée. Lorsque nous avons quitté le pays pendant plusieurs semaines pour échapper aux scènes de violence, nous en avons profité pour voyager au Camboge puis au Laos. Le Cambodge m’a particulièrement marquée et émue. Avant ce voyage, j’avais vaguement entendu parler du génocide perpétré par les Khmers rouges. De mémoire, on en parle vaguement à l’école, et encore, je ne suis même pas sûre. Pour vous rafraîchir la mémoire, les Khmers rouges, sous la direction du secrétaire général du Parti communiste du Kampuchea, Pol Pot, a persécuté et exécuté systématiquement entre 1,5 et 2 millions de ses propres citoyens cambodgiens entre 1975 et 1979, soit près d’un quart de la population cambodgienne ! 1975, c’était hier.

 

Au fil de notre voyage, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui avaient vécu ce génocide, qui en avaient réchappé, et qui nous ont raconté ce qu’elles avaient vécu. Ces rencontres, ces témoignages, marquent à jamais. La visite du musée du génocide de Tuol Sleng à Phnom Penh, cet ancien lycée transformé en prison (la fameuse prison S-21) par les Khmers rouges, a également été très difficile. Près de 20 000 personnes ont été détenues dans cette prison, dont une grande partie torturée et assassinée. Découvrir les photos des détenus à leur arrivée et à leur sortie (souvent morts) que les Khmers rouges, très méthodiques, prenaient soin d’ajouter à leurs dossiers, est très perturbant. Et le faire au milieu de familles cambodgiennes venues pour tenter de reconnaître l’un des leurs, l’était encore plus. La visite du cimetière de Choeung Ek fut également chargée en émotions : ce fut le premier lieu d’exécution des prisonniers lors du Kampuchéa démocratique. Ils étaient emmenés au cimetière pour être assassinés sur place, à coup de pioche ou de machette, puisque les soldats avaient l’ordre de ne pas utiliser leurs fusils. Ils étaient ensuite jetés dans une des 129 fosses communes du site. En se promenant sur le site, à même la terre battue, je me souviens des bouts de vêtements que la pluie avait fait remonter et qui dépassaient de la surface…

 

Au-delà ce tout ça, le Cambodge m’a aussi touchée de par ses habitants. Le pays a longuement vécu en autarcie, replié sur lui-même, et de nombreux Cambodgiens nous ont expliqué que quelques années en arrière ils pensaient encore que le Monde s’arrêtait aux frontières du Cambodge, qu’ils ne s’imaginaient pas qu’il existait d’autres cultures sur Terre. Lors de conversations passionnantes avec des moines bouddhistes, on nous a demandé si les temples chez nous ressemblaient à ceux du Cambodge, on nous a dit avec fierté apprendre à taper avec 2 doigts sur un clavier d’ordinateur grâce à une association qui avait fait venir des machines d’Europe… Ces échanges emprunts de naïveté m’ont profondément touchée, et les Cambodgiens, pour leur résilience, leur joie de vivre malgré toutes les horreurs vécues, et leur curiosité du Monde qui les entoure, sont une leçon de vie gravée à jamais dans ma mémoire.

Cambodge - Musée du génocide de Tuol Sleng

Israël - Palestine

2017

Vous l’aurez compris, je n’aime pas trop voyager pour me la couler douce. Je voyage pour bouleverser mes idées reçues, je voyage pour m’ouvrir à l’Autre et comprendre le Monde qui m’entoure, je voyage pour devenir une meilleure personne. Il aura fallu attendre quelques années de plus pour être à nouveau marquée à jamais par un voyage, qui résonne encore tout à fait différemment au moment où j’écris ces lignes, alors qu’un génocide est en cours à Gaza…

 

En 2017, lorsque je m’envole pour Tel Aviv, je ne suis pas croyante, et ne ressens pas spécialement le besoin de « retourner en Terre Sainte » comme c’est le cas pour beaucoup de gens. Une amie s’étant installée à Tel Aviv, j’avais tout simplement envie d’aller lui rendre visite et d’en profiter pour découvrir ce pays. Déjà à l’époque, on me demandait régulièrement de prendre position au sujet d’un conflit que je ne maîtrisais absolument pas, et dont je me sentais bien éloignée. De surprises en étonnements, de rencontres en débats, de découvertes en désillusions, ce pays m’a bouleversée.

 

Au cours de ce voyage de deux semaines, j’ai eu l’occasion de découvrir Tel Aviv la cosmopolite et open-minded, Jérusalem l’ultra religieuse, Acre la musulmane, Safed la juive orthodoxe, Nazareth la chrétienne, sans oublier le Neguev et ses kibboutz, et les territoires palestiniens sous le joug de l’occupation… Et c’est tout particulièrement la dernière journée de ce voyage, passée dans les territoires palestiniens (à Bethléem, Edna et Hebron) qui m’a marquée à vie, a éveillé ma conscience citoyenne, et ma soif de comprendre le Moyen-Orient.

 

Lors de cette journée, nous avons vécu avec notre guide franco-palestinien ce que tous les Palestiniens vivent quotidiennement : les délits de faciès aux check-points, les interdictions d’accéder à certaines zones, 10 km de voiture en 1h car les routes sont barrées, la brutalité de ce mur (im)posé au nez des maisons palestiniennes, leur coupant toute vue, les villes et les mosquées coupées en 2, les villes fantômes car « vidées » par les colons, les camps de réfugiés, les gamins de 20 ans qui n’ont connu que la violence et la racontent comme si elle était « normale »… Et à côté de ça, nous avons constaté plein d’initiatives (une association de brodeuses adorables dans le village d’Edna, un ancien pressoir à sésame rénové et transformé en restaurant par des jeunes…), des gens accueillants et plein d’espoir (nous ne comptons pas les rencontres spontanées, les témoignages, les rires partagés).

 

Dans la voiture, sur la route du retour, j’ai pleuré. Pleuré de tristesse, d’injustice, d’impuissance… Pour moi qui suis toujours dans l’action, il n’y a rien de pire que de me sentir impuissante face à une injustice. Depuis cette journée tout particulièrement, j’ai mûri d’un coup, j’ai vu le monde qui m’entoure différemment, moins naïvement, et surtout, j’ai pris position. Parce qu’humainement, il est tout simplement impossible de ne pas le faire.

Israel Palestine - Street art dans un camp de réfugiés en Cisjordanie

Arabie saoudite

2021

En novembre 2021, quelques jours après avoir quitté l’agence de voyages dans laquelle je travaillais, je me suis envolée pour l’Arabie saoudite pour plus de 3 semaines de roadtrip en solo, sans avoir rien organisé au préalable ! Une destination improbable pour beaucoup… parce qu’en France (et un peu partout dans le Monde je pense), nous avons une très mauvaise image de ce pays et de ses habitants : fermés d’esprit, riches, imbus d’eux-mêmes, archaïques, tyranniques, ne respectant pas les droits de l’homme, encore moins ceux de la femme… Les qualificatifs ne manquent pas. Et pour être honnête, j’avais moi aussi tous ces a priori (soyons honnêtes, j’avais un peu peur avant de partir, malgré l’excitation), même si au fond de moi j’étais convaincue que ce pays était bien plus que ça !

 

Et c’était d’ailleurs l’objectif de mon voyage en Arabie Saoudite, comme celui de tous les voyages que je fais : aller voir de mes propres yeux plutôt que de me fier aux médias, constater par moi-même plutôt que d’écouter les « on dit », discuter avant de me faire un avis. Et pour cela, rien de mieux que d’y aller seule et de dormir chez l’habitant ! J’ai voulu apporter un peu de nuance à l’image que l’on se fait de ce pays. Et après ces 3 semaines passées sur place, c’est bien plus que de la nuance, c’est une grosse claque que j’ai prise !

 

Alors bien sûr, un voyage n’est qu’un voyage, et en quelques semaines je suis loin d’avoir fait le tour de la culture de ce pays (du coup j’y suis retournée deux mois de plus en 2022 ahah !), mais que de belles rencontres ! Que d’échanges riches et pleins d’apprentissages ! Que d’étonnements et de claques visuelles ! Ce pays est à mille lieux de l’image qu’on en a, et je me demande même comment un tel décalage est possible ! D’un côté je pense que le pays a énormément évolué ces dernières années (et que nous sommes restés bloqués sur ce qu’il était dans le passé), et d’un autre je ne peux m’empêcher de penser que l’inconnu suscite beaucoup de fantasmes (et pas forcément dans le bon sens)…

 

Cela faisait plusieurs années maintenant que je fantasmais ce pays. Je ne saurais pas bien expliquer pourquoi, mais l’Arabie saoudite m’appelait (et continue de m’appeler !). Et je ne soupçonnais pas que mon âme vibrerait autant lors de ce voyage, qu’elle s’élèverait autant spirituellement, qu’elle se connecterait à autant d’émotions et d’êtres humains. Ce pays a été tellement au-delà de mes espérances. Le plus beau voyage de ma vie à ce jour, peut-être même le voyage d’une vie, je vous dirai ça dans quelques années ! Je suis tellement heureuse d’avoir suivi mon intuition, de n’avoir pas écouté les peurs et les a priori, d’être partie là-bas le cœur ouvert.

Arabie saoudite - Leslie au milieu des tombeaux nabatéens de Maydan

Je suis heureuse d’avoir partagé ces voyages, très intimes, avec vous. Ces voyages ont forgé ma personnalité, ont participé à faire de moi celle que je suis aujourd’hui. Ces voyages m’ont fait grandir, et m’ont permis de mieux comprendre l’environnement dans lequel nous évoluons. Je ne peux que vous encourager à voyager vous aussi, à rester curieux et ouverts d’esprit, sensibles à la beauté du monde qui nous entoure, le cœur ouvert à l’Autre. Pour conclure, j’avais envie de partager 3 citations qui résonnent tout particulièrement :

 

« Voyager, c’est partir a la dacouverte de l’autre.

Et le premier inconnu a dacouvrir, c’est vous. »

Olivier Follmi

 

« Voyager rend modeste. On voit mieux la place minuscule

que l’on occupe dans le monde. »

Gustave Flaubert

 

 « Le veritable voyage de decouverte ne consiste pas a chercher

de nouveaux paysages, mais a avoir de nouveaux yeux. »

Marcel Proust

Commentaires :

  • Karim EL BAHRI

    14/01/2024

    Je viens de voyager avec toi …. tu m’as fait vivre tous ces instants avec toi ! Et quelles aventures !!! ….. Je suis pris d’admiration et de mélancolie car j’ai conscience en te lisant que nos vies sont ternes et sans saveurs….
    En tout cas pour la mienne !!
    Merci pour ce magnifique partage , inestimable, et si précieux. J’ai découvert un peu de toi et c’est un beau cadeau !!!
    Au plaisir de te revoir , si dieu veut !
    Bises et Belle et heureuse année à toi .
    Karim

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