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Illustration article Tissu egyptien Khayameya khayamiya

Tissu egyptien : le khayameya entre héritage, culture et défis contemporains

Plongez dans l’univers fascinant du khayameya ou khayamiya, un tissu egyptien ancestral qui a traversé les siècles, entre tradition et modernité. D’abord utilisé pour se protéger contre la chaleur dans les tentes dans le désert, il est devenu un art décoratif unique, emblématique de l’Égypte. Mais face aux défis modernes, entre baisse du tourisme et évolution des méthodes de production, cet artisanat egyptien millénaire se transforme pour survivre. Découvrez comment ce savoir-faire, symbole de l’identité égyptienne, s’adapte aux enjeux contemporains tout en préservant son essence. Un voyage à travers l’histoire et l’art egyptien ! Et pour voyager de chez vous, nous vous recommandons dans cet article plusieurs marques qui vendent le khayameya en Europe !

Tissu egyptien : origines et apogée du khayameya

Le khayameya de la dynastie fatimide à l’époque khédiviale

Le khayameya puise ses racines dans les premières civilisations égyptiennes, quand les tentes en tissu jouaient un rôle essentiel. Ce nom vient du mot khayma, qui signifie « tente » en arabe, et illustre bien sa fonction première : celle de fabriquer de somptueux pavillons en tissu pour se protéger du soleil brûlant du désert. Dès l’époque pharaonique, les Égyptiens utilisaient des huttes, puis des tentes, pour se protéger des intempéries et du climat extrême. Ainsi, ce métier, l’un des plus anciens d’Egypte, est né de la nécessité de créer des abris temporaires pour affronter les vastes étendues désertiques, avant d’évoluer au fil des siècles en un art décoratif raffiné.

Khayameya motifs

L’industrie du khayameya connaît un essor majeur à partir de la dynastie fatimides (Xe – XIIe siècles), une époque où les artisans commencent à intégrer des tissus colorés et des motifs inspirés de l’art islamique, comme les arabesques, les motifs géométriques, et la calligraphie. Ces ornementations, influencées par l’architecture des mosquées et temples, ornent les grandes tentes destinées aux familles nobles, aux cérémonies religieuses et aux événements officiels.

Khayameya souk

Sous les Mamelouks, les tentures khayameya deviennent des pièces maîtresses et des symboles de prestige, utilisés lors des festivités, des cérémonies religieuses et des événements royaux. Elles marquent l’élite égyptienne et reflètent son statut social. Parallèlement, l’art du khayameya s’étend pour inclure des couvre-lits et des tentures murales, devenant un élément décoratif clé aussi bien dans les résidences privées que dans les lieux publics.

Au XIXe siècle pendant la période khédiviale, titre donné au pacha d’Égypte Ismaïl en 1867, l’art du khayamiya connaît un renouveau flamboyant, l’influence de l’empire ottoman s’invite dans les motifs décoratifs, apportant de nouveaux designs inspirés des arts ottomans

Ces tentures colorées ornent désormais les cafés, les fêtes et les célébrations publiques, amplifiant leur visibilité et leur usage. Ce nouvel âge d’or transforme la rue Al-Khayamiya, au Caire, en un centre névralgique de cet artisanat. Les ateliers se multiplient, et les artisans se spécialisent dans la création de panneaux colorés destinés à décorer aussi bien les espaces extérieurs que l’intérieur des tentes. Cependant, à la fin de l’Empire ottoman, un tournant majeur se produit : l’élite égyptienne commence à délaisser ces œuvres traditionnelles au profit de décorations de style occidental, marquant un déclin pour l’art du khayameya. Les artisans, qui étaient autrefois prisés pour leurs créations, se retrouvent confrontés à une situation incertaine, perdant leur public traditionnel au profit de nouvelles tendances.

Qu'est-ce que le khayameya ? A quoi servait-il ?

Traditionnellement, les tentes en khayameya étaient utilisées lors de festivals religieux et d’événements publics. Elles étaient assemblées sous différentes formes, allant des grands pavillons aux tentes plus petites, et servaient à accueillir les foules ou à délimiter des espaces lors des festivités. Bien que les photographies anciennes témoignent de leur splendeur, il est fréquent que les couleurs d’origine se soient estompées avec le temps. De plus, ces panneaux en khayamiya étaient parfois utilisés à des fins publicitaires : le nom du propriétaire et ses coordonnées étaient souvent inscrits, transformant ces œuvres d’art en instruments de communication visuelle.

Khayameya tente bedouins egypte
Khayamiya tissu egyptien

Sous les Mamelouks, les tentures khayameya deviennent des pièces maîtresses et des symboles de prestige, utilisés lors des festivités, des cérémonies religieuses et des événements royaux. Elles marquent l’élite égyptienne et reflètent son statut social. Parallèlement, l’art du khayameya s’étend pour inclure des couvre-lits et des tentures murales, devenant un élément décoratif clé aussi bien dans les résidences privées que dans les lieux publics. Le processus de fabrication de ce tissu egyptien est un art méticuleux, entièrement réalisé à la main utilisant l’appliqué en aiguille, où chaque pièce de tissu est repliée et cousue individuellement selon des motifs précis. Les artisans, souvent assis en tailleur (sans mauvais jeu de mot !), utilisent de grandes cisailles pour découper le textile, puis cousent chaque pièce individuellement pour assembler le textile pièce par pièce. 

Un sacré patchwork ! L’artisanat exige une grande dextérité et une maîtrise parfaite de la technique de l’appliqué, où chaque couleur et chaque forme est agencée pour créer des motifs harmonieux et complexes. Ce travail laborieux peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, selon la taille et la complexité des pièces.

Les tissus utilisés dans la fabrication de la khayameya sont généralement en coton ou en lin, et les motifs s’inspirent de l’architecture du Caire, des manuscrits et des motifs géométriques ou calligraphiques que l’on retrouve dans les portes anciennes et les mosquées. Au Caire, les artisans continuent de perpétuer cette tradition séculaire dans la rue Al-Khayamiya, où se mêlent aussi des artisans du cuir et des cordonniers. Aujourd’hui, les artisans fabriquent également des objets décoratifs comme des coussins et des courtepointes, en compétition pour attirer les clients par des designs toujours plus colorés, tout en perpétuant les valeurs fondamentales de cet art ancien. 

rue al-khayamiya
Khayameya- souk rue al-khayamiya

Ce métier est transmis au sein des familles, de génération en génération, et bien que toute personne déterminée puisse devenir maître artisan, la dextérité et la rapidité de travail à la main sont essentielles. La majorité des artisans sont des hommes, certaines femmes participent aussi à la fabrication des pièces, bien que leur présence soit moins visible dans les ateliers publics (elles travaillent souvent de chez elles).

Artisan egyptien- savoir faire-khalameya
Khayameya motifs exemple

Artisanat egyptien : khayameya, un art en déclin

Au XXe siècle, le marché du khayameya décline en raison de multiples facteurs. La crise du tourisme, une source de revenus cruciale pour les artisans, fragilise leur activité, tandis que les coûts de production rendent cet art difficilement accessible aux Égyptiens. Dans les années 1980, la rue Al-Khayamiya comptait encore une soixantaine d’ateliers ; aujourd’hui, leur nombre a chuté à une vingtaine. Ce métier, largement informel, est aussi menacé par le désintérêt des jeunes, qui cherchent des professions plus modernes et rentables. 

Khayameya- patrimoine egyptien
Khayameya- artisant egyptien

« Les jeunes n’ont pas la patience d’apprendre un métier qui demande des années pour être maîtrisé », explique M. Chaabane, un maître artisan. Abdallah Fathi, un jeune artisan de 31 ans, incarne cette nouvelle génération en résistance. Initié à l’âge de 15 ans, il travaille aujourd’hui des journées entières pour coudre chaque morceau de tissu, assemblant des motifs en appliqué avec une précision et une patience qui témoignent de l’expertise exigée par cet art. Selon la complexité du dessin, une petite pièce peut nécessiter une journée entière, tandis que des tentures plus grandes peuvent prendre jusqu’à un mois.

Les artisans espèrent toutefois que la reprise du tourisme en Égypte (toujours fragile du fait de l’instabilité de la région) ravivera l’intérêt pour cet art ancien. Mais une question se pose : comment rendre cet art accessible à un public plus large et redonner aux Égyptiens le goût de cet artisanat traditionnel ? 

Khayamiya art textile

Tissu egyptien : nouveau look pour le khayameya

Sérigraphie et modernisation pour une nouvelle popularité de cet artisanat egyptien

Face à ces défis, pour préserver le khayameya, certains artisans et entrepreneurs ont opté pour une approche innovante : la sérigraphie des motifs khayameya. Procédé popularisé en Occident grâce à des artistes comme Andy Warhol, l’Égypte adopte cette méthode pour reproduire les motifs traditionnels du khayamiya. Cela permet de produire en masse ces tissus aux couleurs vives, à un coût bien inférieur à celui des créations artisanales. Ce procédé facilite l’accès à l’art du khayameya pour un public plus large, tout en le rendant plus abordable. En raison de son faible coût et de ses couleurs opaques, intenses et durables, le khayameya imprimé connaît un succès populaire, notamment pour des utilisations extérieures.

Khayameya- serigraphie
Khayameya- serigraphie

Cependant, ce procédé de production en série a soulevé des critiques : certains artisans déplorent la perte d’authenticité, soulignant que la reproduction industrielle de ces motifs uniformise et standardise un art autrefois fait à la main, unique et précieux. 

Aujourd’hui, le terme « khayameya » englobe à la fois les œuvres traditionnelles en appliqué, cousues et réalisées avec soin à la main par les artisans du Caire, et les tissus imprimés inspirés de ces motifs anciens. Ce compromis entre artisanat et modernité reflète l’évolution de cet art, qui, tout en répondant aux exigences de son époque, conserve un lien fort avec ses racines culturelles.

Souk-Al-Khayamiya-Egype

Khayameya : vers une reconnaissance mondiale

Le succès du khayameya imprimé à grande échelle a aussi permis d’accroître sa renommée internationale. Dès la Première Guerre mondiale, l’Égypte devient un lieu de passage pour des soldats britanniques, australiens et néo-zélandais, stationnés dans la région pour des missions ou pour se reposer loin des fronts européens, qui découvrent et apprécient les motifs égyptiens. Les artisans ont rapidement saisi l’opportunité de proposer des pièces plus petites, moins coûteuses, inspirées de l’Egypte Antique, et facilement transportables destinées à être envoyées par les soldats pour marquer leur passage en Égypte. De nombreux soldats les envoient par courrier à leurs familles, contribuant à la diffusion de cet art dans des régions du monde où il n’avait jamais été vu auparavant.

Khayamiya- Égypte antique
Khayamiya- Égypte antique

Quelques années plus tard, en 1922, la découverte du tombeau de Toutankhamon amplifie cet engouement mondial pour la culture égyptienne et l’art du khayameya. Les touristes, fascinés par la richesse de l’Égypte antique, rapportent ces pièces comme souvenirs, contribuant à faire du khayameya un emblème de l’Égypte ancienne. Ces créations ornementées de motifs antiques deviennent des objets prisés, intégrant des scènes folkloriques ou des symboles historiques, représentant la vision des artisans sur ce que les visiteurs percevaient de l’Égypte antique. Au fil du temps, ces textiles sont donc devenus des souvenirs pour les touristes, avec des motifs inspirés de l’Égypte ancienne.

Souk Khayamiya
Art décoratif Khayameya

Tissu oriental : une influence au-delà des frontières

Le khayameya, par cet engouement, a trouvé sa place dans des collections privées à travers le monde, valorisant et exportant cet art traditionnel au-delà des frontières égyptiennes.

Bien qu’éloignés des rues du Caire, les motifs du khayameya ont inspiré des artistes internationaux. Par exemple, le peintre Henri Matisse, bien qu’il n’ait jamais visité l’Égypte, possédait une tenture khayameya qui influença ses célèbres découpages. Cette technique artisanale, consistant à découper et assembler des morceaux de tissu, trouvait une résonance particulière dans le style de Matisse. De même, des collectionneurs comme Doris Duke ont intégré des œuvres khayameya dans leurs demeures, conférant à cet art une reconnaissance au sein du monde de l’art.

Khalameya- Matisse

Les artisans du khayameya, quant à eux, perpétuent cette tradition avec un profond respect pour les anciens maîtres du métier, les “ustad”. Certains, comme Mohammed Dendem, créent des œuvres imprégnées de symbolisme religieux, incorporant par exemple les 99 noms d’Allah dans des compositions calligraphiques complexes. D’autres, tels que Hany ‘Abd al-Kader, s’inspirent d’événements contemporains, comme la révolution égyptienne de 2011, pour témoigner de l’histoire égyptienne moderne à travers leur art.

Khayamiya Hany 'Abd al-Kader,
Khalameya- artistes

Khayameya : nos bonnes adresses pour en acheter

Couleurs du Nil

Couleurs du Nil propose une large sélection de tissus égyptiens, notamment le khayameya, avec en plus une approche éthique et solidaire. Créée par Séverine, passionnée par l’Égypte et la couture, la marque valorise des pièces artisanales confectionnées par des maîtres du patchwork en appliqué, pour des produits uniques et originaux. 

Louis Barthelemy

Louis Barthélémy valorise l’artisanat égyptien et explore des motifs traditionnels comme le khayameya, qu’il intègre dans des œuvres textiles, des kilims et des sculptures. Basé à Marrakech, cet artiste multidisciplinaire s’inspire de la richesse culturelle du Moyen-Orient et du Maghreb, alliant tradition et modernité dans ses créations.

Malaika

Malaika propose des articles de maison en coton égyptien de haute qualité, ornés de broderies artisanales khayameya et de motifs imprimés inspirés de la culture égyptienne. Elle allie luxe et responsabilité sociale en promouvant des produits éthiques qui soutiennent des artisans locaux.

Markaz Egypt

Markaz est une marque égyptienne qui réinvente les traditions artisanales en proposant des articles de maison et accessoires alliant savoir-faire local et design moderne. Avec des artisans répartis dans tout le pays, elle met l’accent sur le développement social et la préservation des métiers.

Bayt Al-Sahara

Bayt Al-Sahara est une marque fondée par un couple franco-égyptien, proposant des textiles de khayameya confectionnés en collaboration directe avec des artisans du Caire. Engagée dans la préservation de ce patrimoine ancestral, elle soutient également le développement local et une partie des bénéfices est reversée à un orphelinat. En attendant le lancement de son site web, les commandes s’effectuent directement via son compte Instagram !

Vous l’aurez compris, l’art du khayameya est à la croisée des chemins, entre déclin et renouveau. Dans une rue où le nombre d’ateliers continue de diminuer, des artisans comme Abdallah Fathi luttent pour préserver cette tradition tout en adaptant leur savoir-faire aux attentes modernes. Avec le soutien du tourisme et la demande croissante d’authenticité et d’artisanat, le khayameya pourrait encore trouver un avenir, s’inspirant de son riche passé tout en embrassant de nouvelles formes d’expression. Cet art millénaire, qui a traversé les âges et les dynasties, demeure l’un des plus beaux témoignages de la créativité et de la résilience du patrimoine égyptien. Pour découvrir le khayameya, rien de mieux qu’un voyage en Egypte, et plus particulièrement au Caire ! Pour aller à la rencontre des maîtres artisans du khayamiya et découvrir le Caire et l’Egypte hors des sentiers battus, faites appel à une travel planner spécialiste de la destination : Leslie, alias Les Petits Jambes !

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