Femme touriste en Arabie Saoudite : interview de Leslie, experte de la destination

Je suis Valentine, étudiante en Master Stratégie des marques à l’ESP Paris, et j’ai eu le plaisir d’interviewer Leslie Leroy, travel planner spécialiste de l’Arabie saoudite, pour recueillir ses conseils pour les voyageuses solo qui souhaitent découvrir l’Arabie saoudite. Forte de son expérience unique en tant que femme voyageuse en Arabie Saoudite, Leslie nous partage ses conseils avisés pour appréhender au mieux ce pays en pleine évolution. De la sécurité aux règles vestimentaires, en passant par les coutumes locales, les transports  en commun et la conduite,  la codification des rapports hommes-femmes et les moments à vivre entre femmes uniquement, elle nous livre tout ce qu’il faut savoir pour voyager sereinement en Arabie saoudite en tant que femme !

Lors de son premier voyage en Arabie Saoudite en novembre 2021, Leslie était l’une des premières femmes à explorer le pays en solo juste après sa réouverture au tourisme à la suite de la COVID-19. Elle admet : « Avant de partir, j’avais une petite appréhension », reconnaissant que les stéréotypes occidentaux l’influençaient. Pourtant, une fois sur place, elle a été agréablement surprise : « Ce pays a été une révélation pour moi car à 1000 lieux de l’image qu’on en a. J’ai beaucoup voyagé dans le monde et c’est le pays dans lequel je me suis sentie le plus en sécurité en tant que femme ». Habituée à voyager seule, elle a trouvé l’Arabie Saoudite bien loin des idées reçues, notamment grâce à l’incroyable hospitalité des Saoudiens. « Leur générosité et leur accueil m’ont vraiment bluffée », partage-t-elle, soulignant à quel point ils sont différents de l’image souvent véhiculée en Occident. 

Depuis, Leslie est retournée plusieurs fois en Arabie Saoudite, afin d’explorer le pays en profondeur. « Il y a très peu d’endroits où je ne suis pas allée », confie-t-elle. Elle a pris le temps de découvrir différentes régions, acquérant ainsi une connaissance approfondie de la culture saoudienne.

Le premier conseil qu’elle partage avec les femmes souhaitant visiter le pays est d’aborder ce voyage avec un esprit ouvert et de ne pas se laisser freiner par les clichés et les stéréotypes. « L’Arabie Saoudite est une terre de contrastes », explique-t-elle, où modernité et traditions cohabitent de manière fascinante. Chaque région offre une expérience unique, et elle encourage les voyageuses à explorer au-delà des grandes villes pour découvrir la diversité culturelle du pays.

Pour celles qui appréhendent encore le voyage en solo, Leslie insiste : « Je n’ai jamais ressenti une telle sécurité ailleurs, les saoudiens ​​gagnent tellement à être connus », confirmant que la bienveillance et le respect envers les femmes, même seules, sont omniprésents en Arabie Saoudite.

A la question “est-ce dangereux de voyager en Arabie saoudite en tant que femme ?” Leslie se montre catégorique et affirme qu’elle s’est toujours sentie respectée et protégée. « Les Saoudiens sont extrêmement respectueux des femmes », précise-t-elle, soulignant que le harcèlement ou les tentatives de drague sont pratiquement inexistants. Selon elle, la culture locale favorise une distance respectueuse entre les sexes, ce qui contribue grandement au sentiment de sécurité pour les voyageuses.

Elle mentionne aussi que la sécurité globale est impressionnante : « On peut laisser sa voiture ouverte, sa caméra à l’intérieur, tout reste en place ». Pour Leslie, cette sensation de sécurité vient aussi des normes sociales et des sanctions dissuasives qui contribuent à maintenir un environnement serein. 

En tant que femme voyageuse, elle n’a jamais ressenti d’insécurité lors de ses déplacements à travers le pays, même dans des contextes où elle aurait pu être vulnérable. « Les rapports entre hommes et femmes sont codifiés », explique-t-elle, ajoutant que ce respect strict des distances entre les genres est une partie intégrante de la culture saoudienne. Même si elle admet que le pays est en pleine mutation et que certaines choses pourraient évoluer au contact des cultures occidentales, elle assure que, pour l’instant, la sécurité et le respect envers les femmes restent des aspects fondamentaux de la culture saoudienne. 

Le code vestimentaire en Arabie Saoudite suscite souvent des interrogations chez les voyageuses. Leslie explique que l’abaya, bien que tenue traditionnelle saoudienne, n’est plus obligatoire, même pour les Saoudiennes. Les femmes peuvent donc s’habiller de manière occidentale, à condition de rester respectueuses des mœurs locales. Il est conseillé d’éviter les tenues moulantes ou trop découvertes. « Un pantalon ample ou une jupe longue et un t-shirt ou une chemise à manches 3/4 font très bien l’affaire », précise-t-elle.

Leslie recommande en effet d’adapter sa tenue selon les lieux visités. Par exemple, dans les grandes villes comme Riyad ou Djeddah, « les femmes peuvent s’habiller de façon occidentale sans problème, à condition de couvrir les épaules et les genoux ». En revanche, dans les zones rurales ou plus traditionnelles, il peut être bienvenu de porter une abaya par-dessus ses vêtements pour éviter de choquer. « Dans les petits villages, j’opte souvent pour une abaya que je porte comme un long gilet sur mon pantalon et mon t-shirt », explique Leslie, ajoutant que cela lui permet de l’enlever ou de la remettre facilement selon le contexte. 

Elle précise également que dans les villages très reculés et traditionnels, on peut se sentir plus à l’aise en posant un foulard sur la tête, sans forcément le serrer, mais juste pour montrer du respect à la culture locale. « C’est aussi ça, voyager. On ne vient pas pour révolutionner la culture du pays, mais pour la découvrir, avec humilité et respect. »

Leslie aborde également le sujet délicat du maillot de bain, expliquant qu’il existe des plages privées où les femmes, y compris les Saoudiennes, peuvent se baigner en bikini. « À Djeddah, par exemple, certaines plages privées autorisent le port du bikini, même en milieu mixte ». Cependant, sur les plages publiques, le port d’un burkini est plus approprié, ou bien garder ses vêtements pour se baigner. En ce qui concerne les hôtels, bien que certaines piscines soient mixtes, cela demeure encore une exception. La plupart des établissements instaurent des horaires distincts pour les hommes et les femmes et il est conseillé de vérifier si le bikini est autorisé avant de réserver,  car les règles peuvent varier.

Le hijab, quant à lui, n’est plus obligatoire, ni pour les Saoudiennes ni pour les touristes. « De plus en plus de Saoudiennes ne portent plus systématiquement le voile, et les voyageuses n’ont pas besoin de le porter non plus », explique Leslie. Cependant, comme on le disait plus haut, dans les zones très traditionnelles, il peut être préférable de se couvrir légèrement la tête par respect. « Dans les villages reculés, il m’est arrivé de porter un foulard, mais ce n’est jamais imposé. C’est un signe de respect que j’adopte parfois pour m’intégrer à la culture locale et ne pas choquer quand je sens que ça pourrait être le cas. En général, les gens apprécient beaucoup qu’on fasse la démarche, et ça permet de créer du lien plus facilement avec eux », ajoute-t-elle.

En ce qui concerne les lieux de culte, Leslie précise que le voile est obligatoire dans les mosquées, comme dans tout lieu de culte musulman. Cette règle s’applique également aux touristes, mais sans exigences trop strictes. « Un simple foulard suffit pour montrer du respect, sans avoir besoin de porter une tenue religieuse complète », conclut-elle.

Voyager en Arabie Saoudite en tant que femme est tout à fait possible, voire recommandé, et il existe plusieurs options de transport adaptées. Leslie explique : “On peut prendre les transports en commun, comme le train et le bus, sans problème.” Les trains sont accessibles à toute heure de la journée, offrant une grande flexibilité pour se déplacer.

Cependant, Leslie souligne une une nuance concernant les bus de nuit : “Il y a des bus de nuit, mais en général les femmes voyagent uniquement la journée, donc on peut parfois se retrouver la seule femme à bord. Il n’y a pas de problème de sécurité, mais disons que cela peut être inconfortable, donc je ne le recommanderais pas”. 

Cependant, elle affirme qu’en journée, les femmes peuvent utiliser tous les moyens de transport disponibles, y compris les taxis et les Kareem (Uber du monde arabe) : “Il n’y a vraiment aucun problème pour se déplacer pendant la journée.”

Depuis 2018, les femmes en Arabie Saoudite ont acquis le droit de conduire, marquant une avancée majeure pour leur émancipation. Leslie souligne : “Aujourd’hui, elles représentent la moitié des conducteurs sur les routes, et elles se sont rapidement adaptées à la conduite.” Ce changement a entraîné un véritable empowerment des femmes, touchant non seulement la mobilité, mais aussi d’autres domaines, y compris l’économie.

Bien que les femmes conduisent désormais légalement, Leslie précise que la majorité de leurs trajets sont plutôt courts et quotidiens : “Elles circulent principalement en ville et effectuent des déplacements réguliers.” D’ailleurs, avant cette réforme et dans certaines villes, beaucoup de femmes conduisaient déjà pour leurs courses quotidiennes, même sans permis. “Un ami Saoudien m’a raconté que dans la région de Ha’il, il y avait devant chaque maison une voiture pour l’homme et une pour la femme, et qu’elles conduisaient pour emmener les enfants à l’école ou faire des courses même sans pièce d’identité officielle, et que c’était toléré. Mais pas partout dans le pays…”

Leslie souligne qu’aujourd’hui il n’y a absolument aucun problème à conduire en Arabie Saoudite. “C’est le mode de transport que je recommande. Les infrastructures routières sont excellentes, le carburant coûte très peu cher, et ce mode de transport offre une grande liberté.” Elle souligne que les Saoudiens peuvent être étonnés de voir une femme parcourir de longues distances, car cela demeure moins fréquent pour les femmes locales. “Mais ils s’en réjouissent et se montrent de très bons supporters !” 

Pour celles qui envisagent de conduire, il est important de noter qu’un permis international est requis. Leslie explique : “Votre permis français doit être traduit pour qu’il soit compréhensible par les autorités locales.”

Aujourd’hui, emprunte de son histoire, l’Arabie Saoudite fait coexister deux cultures : la culture ancestrale du pays, traditionnaliste, et la culture “mondiale”, très influencée par l’Occident, que le prince tente d’insuffler par ses réformes. Comment cela se traduit ? Les restaurants traditionnels continuent d’exister en conservant cette idée de séparation des sexes, et les restaurants à l’occidental se multiplient en parallèle. “Il y a encore des espaces distincts pour les familles et les hommes célibataires dans certains lieux, explique-t-elle, mais de plus en plus de restaurants modernes adoptent des configurations similaires à celles que l’on trouve en Occident, avec des espaces ouverts qui favorisent les échanges.” Leslie a d’ailleurs une anecdote à ce sujet : “il m’est arrivé par erreur d’entrer dans l’espace réservé aux hommes dans un restaurant. J’avais juste suivi la première porte que j’avais vue ! Heureusement, un membre du personnel m’a rapidement guidée vers la bonne salle.” Alors un conseil, soyez vigilant et n’hésitez pas à jeter un petit coup d’œil à travers la vitre avant d’entrer pour éviter tout malaise !

Elle ajoute que dans certains restaurants traditionnels, il est courant d’y trouver des compartiments privés où l’on réserve non pas une simple table, mais une petite salle. Cela permet aux femmes de retirer leur niqab et de manger en toute tranquillité. Mais on peut aussi réserver un compartiment mixte.

En matière de salutation il y a également des normes sociales à respecter : “en Arabie Saoudite, nous ne faisons pas la bise comme en France. Un homme ne peut pas toucher une femme qui n’est pas sa femme, et vice versa,” précise-t-elle. “Nous nous saluons de loin, et il vaut mieux attendre de voir comment l’autre réagit avant de proposer une poignée de main.” Cela permet d’éviter les malaises, surtout si l’autre personne a une vision plus traditionnelle des interactions