A la croisée de routes légendaires que sont celles de l’encens, de la soie et des épices, plaque tournante du commerce entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe, carrefour des civilisations au passé chrétien, juif et musulman, Terre Sainte de l’islam, pays tribal avant d’être uni sous un même drapeau, l’Arabie saoudite est un pays riche d’Histoire, de culture et de traditions, aussi diverses que ses paysages. Mais je vous propose surtout de découvrir un pays à mille lieux de l’image qu’on en a. Ouvrez votre esprit et votre cœur, mettez vos a priori de côté, et préparez-vous à prendre quelques claques visuelles, humaines et spirituelles !
Pour le plaisir de crapahuter à la recherche d’inscriptions préislamiques sur les roches de ce Wadi aux allures de paradis terrestre
Pour les incroyables moucharabiehs en bois de sa vieille ville, Al-Balad, et son ambiance de médina : « Jeddah Gheir » (Jeddah est unique) !
Pour le sentiment d’être porté.e par la ferveur de ces centaines de milliers de musulmans priant ensemble à la mosquée du Prophète
Pour les tombeaux nabatéens grandioses de Hegra (Madain Saleh), et le frisson que procure le vol en hélicoptère au-dessus de son oasis
Pour la beauté de ce village à l’architecte najdi traditionnelle faite de terre, de triangles blancs sur les toits et de portes sculptées
Pour les couleurs vives de l’intérieur des maisons qui contrastent avec le grès noir de l’extérieur de ce « village pain d’épices »
L’Arabie saoudite est tellement étendue qu’il y a plusieurs climats différents, et qu’on ne visite pas les mêmes régions en fonction de la période de l’année. Contrairement à ce que l’on croit, il ne fait pas toujours chaud en Arabie saoudite ! En revanche, il ne pleut quasiment jamais, et ça c’est une constante !
Que vous soyez un homme ou une femme, globalement il est mieux perçu de ne pas être trop découvert en Arabie saoudite… La tenue traditionnelle des hommes est le thobe, une sorte de longue robe blanche aux manches longues. Celle des femmes est l’abaya, une robe longue noire ample et aux manches longues, qui se porte souvent par-dessus les vêtements, et qui est souvent assortie d’un hijab (foulard laissant le visage découvert) ou d’un niqab (qui laisse seulement les yeux visibles).
Mais il n’y a aucune obligation de porter ces tenues traditionnelles, ni pour les touristes ni pour les Saoudien.ne.s d’ailleurs ! Voici tout de même quelques conseils pour préparer sa valise.
Dans tous les cas, prévoyez une petite veste pour le soir, des chaussures de marche et des sandales, une casquette ou un chapeau, de la crème solaire et des lunettes de soleil.
L’Arabie saoudite est un pays qui s’est développé très vite, et dont le niveau de vie aujourd’hui s’approche de celui de la France. Il faudra donc compter au moins 50€ pour une chambre dans un petit hôtel confortable mais sans charme, 10 à 15€ pour un repas dans un petit restaurant, et 30€ par jour pour une location de voiture classique.
– Al Baik –
Al Baik est à l’Arabie saoudite ce que McDonald’s est aux Etats-Unis : une chaîne de restauration rapide qui est devenue une véritable institution ! Fondée à Jeddah, elle s’est rapidement étendue à Médine et la Mecque, et petit à petit dans tout le pays. Tout y est frit : poulet, crevettes, pommes de terre… Mais surtout, aucun Saoudien ne se rend à Jeddah, Médine ou la Mecque sans aller à Al Baik : c’est un passage obligé, et la queue pour commander le confirme !
En 1947 paraît le récit autobiographique de Marga d’Andurain (1893-1948), une Française d’origine basque, grande aventurière et amoureuse du Moyen-Orient, qui voulait être la première Européenne à entrer à la Mecque (intérêt pour l’islam, sens de l’aventure ou besoin de braver les interdits, elle ne le dit pas clairement, et peut-être est-ce un mix de tout ça ?). Pour effectuer ce voyage, dans les années 1930, elle divorce de son mari, épouse un Bédouin syrien musulman, et se fait passer pour une musulmane le temps du voyage. Le problème, c’est que le voyage tourne mal, et elle est accusée d’espionnage et d’avoir empoissonné son « mari passeport ». Emprisonnée pendant deux mois à Djeddah dans d’atroces conditions, elle est menacée de lapidation, puis libérée.
Ce livre m’a vraiment touchée car je me suis beaucoup identifiée à Marga d’Andurain, à sa force de caractère et son côté aventurier, autant qu’à son rêve d’aller à la Mecque en dépit des dangers. Pour autant, je ne suis pas sûre que j’aurais osé, à son époque (les risques ne sont pas les mêmes aujourd’hui), me lancer dans une telle épopée. Ce livre est également un témoignage très intéressant de ce qu’était l’Arabie saoudite d’Ibn Séoud en 1933, quelques mois seulement après sa création/réunification. Un livre que je recommande de lire après et non avant un voyage en Arabie saoudite, pour ne pas vous faire peur inutilement !
L’histoire se déroule dans les années 1990. Nour est une jeune Saoudienne qui, après cinq années passées à Londres, rentre dans son pays natal. Pas évident, après avoir goûté à la liberté en Occident, de se plier à nouveau aux traditions saoudiennes… Comme d’autres femmes, elle rejoint un mouvement de contestation qui lutte pour le droit des femmes à conduire. En effet, jusqu’au 25 septembre 2017, l’Arabie saoudite était le seul pays à ne pas leur autoriser le droit de conduire. Ce que l’on sait moins, c’est que ce décret paru en 2017 fait suite à 30 années de lutte des femmes saoudiennes pour acquérir ce droit. Le personnage de Nour est fictif, mais s’inspire largement de ces femmes qui ont créé le mouvement « Women to drive » et qui, le 10 novembre 1990, étaient 47 pionnières à prendre le volant et à se rebeller ouvertement pour obtenir plus de libertés.
Outre ce combat mené par les femmes, l’album est plein de poésie, de spiritualité, et même d’amour oserais-je dire. Le graphisme en noir et blanc à l’encre de Chine évite tout superflu et permet de se concentrer sur le poids du message. Je me suis prise à réfléchir plusieurs minutes, philosophant au cours d’un dialogue intérieur, sur certaines scènes. Bref, j’ai beaucoup aimé cet album qui donne à voir l’Arabie saoudite d’avant, avec tout de même plus de nuances que ce qu’on entend habituellement dans les médias.
Ahmed Abodehman est Saoudien, né en 1949 dans un petit village de l’Asir nommé Al-Khalaf. J’ai découvert le nom du village quelques jours seulement après m’y être rendue et avoir eu un véritable coup de cœur pour cet endroit : il n’y a pas de hasard ! Car j’ai aussi eu un coup de cœur pour ce premier roman, écrit en français : l’auteur est installé à Paris depuis 1982 et a écrit ce livre pour que sa femme et sa fille françaises puissent comprendre son héritage culturel. Le contexte du roman est déjà touchant en soi…
La Ceinture est donc un roman autobiographique : l’auteur y conte son enfance dans son petit village et sa tribu des Kahtanis. Et conter n’est pas un vain mot : son roman est une plongée onirique dans la vie du village, une histoire faite de rêves, de légendes, de poésie et de chants, de récits qui se transmettent de génération en génération, de croyances qui cohabitent avec un islam modéré, de valeurs morales qui font l’honneur de la tribu, d’amour familial aussi… Ce roman est d’une beauté et d’une poésie qui m’ont touchée, et qui donnent à voir la vie tribale au moment de la création de l’Etat saoudien et de l’uniformisation / modernisation des coutumes. Une autre Arabie saoudite, surprenante et qui permet de mieux comprendre la culture ancestrale des tribus.
Ce livre a été écrit par une médecin et romancière saoudienne, Hanaa Hijazi. On suit l’histoire de 2 amies : l’intellectuelle rebelle Maram, et la jeune et sage Leila. Maram a confiance en elle, et suite au décès de son père elle jouit d’une grande liberté dans son quotidien. Leila, elle, vit dans une famille conservatrice, où la violence est quotidienne : sa mère est battue par son père, ses frères abusent de la supériorité que leur sexe leur confère dans cette société, et le qu’en dira-t-on régit toutes les décisions. Alors quand Leila tombe amoureuse de Ahmed, et qu’elle sait d’avance que cette histoire ne sera jamais acceptée par son père, les choses tournent mal…
Ce livre a été publié en 2017, il est donc très contemporain, mais dépeint la société saoudienne avant les nombreux changements sociétaux que le prince héritier MBS a initiés ces dernières années. Malgré tout, même si cette réalité doit être nuancée selon les familles, les régions, les origines tribales… je pense qu’elle est encore bien réelle dans de nombreuses familles. En tout cas, la coexistence de ces deux femmes aux quotidiens très différents bien que vivant dans la même société est je pense assez représentative de la société saoudienne actuelle.
Film
Wadjda a 12 ans dans les années 2010 et vit en Arabie saoudite. A l’aube de devenir une femme, elle porte jeans et baskets, écoute du rock, et montre sa volonté de s’émanciper des carcans dans lesquels sont enfermées les femmes. Son rêve : s’acheter le beau vélo qu’elle a repéré sur le chemin de l’école, qui lui permettra de faire la course avec son ami/amoureux Abdallah, dans un pays où le vélo lui est interdit car il menace la vertu des jeunes filles, pour ne pas dire clairement leur hymen (PS : ce n’est plus le cas aujourd’hui). La fillette se heurte à sa mère, ses camarades et ses professeurs, souvent des femmes d’ailleurs, qui ont complètement intériorisé les normes patriarcales de cette société. Mais Wadjda est maline et persévérante…
Le film, qui est le premier film saoudien, réalisé par une femme, est porteur d’espoir, même s’il décrit, avec une touche d’humour teinté d’amertume, une société qui a encore un long chemin à faire pour améliorer le sort des femmes (polygamie, droits citoyens, culte de la virginité et crimes d’honneur, rôle de la femme dans la famille, mariages précoces…) mais aussi les droits de l’Homme (esclavagisme).
Film
2 octobre 2018, Jamal Khashoggi, journaliste saoudien opposé au régime politique en place, entre dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul et n’en ressort pas vivant. Le film documentaire « The dissident » de Bryan Fogel donne des clés pour comprendre cette terrible affaire, et met également en lumière les méthodes d’espionnage et de surveillance que le Royaume utilise pour étouffer tout non-conformisme. Et pour être honnête, c’est tout à fait glaçant.
Pourtant, je pense que le documentaire aurait pu aller plus loin encore, avec une analyse un peu plus poussée du rôle des journalistes au sein du régime saoudien, de la non condamnation internationale malgré les preuves accablantes, du soutien de l’Arabie saoudite aux pays du Moyen-Orient et du Maghreb, et de son poids politique à l’international… Car évidemment tout est lié. En cela, j’ai trouvé que les 2 heures de documentaire n’étaient pas forcément justifiées, et le parti-pris « thriller blockbuster » (musique grandiloquente, effets visuels angoissants) m’a un peu fatiguée à la longue. Malgré tout, je le recommande pour mieux comprendre cette affaire qui a secoué le Monde entier et ce dont le régime saoudien est capable.
Film
Barakah est employé municipal à Jeddah et il tombe sous le charme de Bibi (de son vrai prénom Barakah également), influenceuse sur Instagram. Les personnages de ce film aux accents almodovariens sont volontairement caricaturaux et joués avec une certaine lourdeur, car le message du film est ailleurs : l’histoire d’amour n’est qu’un prétexte pour dénoncer le poids des traditions et des lois religieuses face auxquelles les personnages sont totalement impuissants.
Il ne s’agit que du 2e film « officiel » saoudien, sorti en 2016, et on s’étonne même qu’il ait pu passer le cap de la censure étant donné les critiques qu’il formule ! Le film a même représenté l’Arabie saoudite aux Oscars 2017, c’est dire la volonté du Royaume de donner une image plus tolérante du pays !
Personnellement j’ai aimé cette satire piquante, et l’ironie du réalisateur qui s’amuse avec la censure, par exemple en pixellisant volontairement un verre de whisky ou le tatouage sur la hanche d’une femme, procédé réellement appliqué aux films étrangers diffusés à la télévision saoudienne ! Mahmoud Sabbagh (le réalisateur) fait également apparaître de temps en temps à l’écran d’anciennes photos antérieures aux années 1970 : on y découvre une Arabie saoudite différente, plus ouverte, du bouillonnement intellectuel et artistique aux tenues des hôtesses de l’air de la compagnie nationale ! On n’est pas (encore) revenus à cette situation, mais heureusement depuis la sortie du film les choses ont changé, la police des mœurs n’existe plus, hommes et femmes sont libres de se retrouver dans l’espace public, plus aucun lieu n’est interdit aux hommes célibataires…
Films
« Six regards sur le désert » (dont le titre original est « Six windows in the desert ») est une série de 6 court-métrages saoudiens, n’ayant pas de rapport les uns avec les autres, et de différents réalisateurs d’ailleurs ! Ces 6 films ont tout de même un point commun : celui de donner à voir la culture saoudienne passée et actuelle. Produits par une société saoudienne et émiratie, les films traitent des sujets de société, parfois controversés, tels que les relations hommes-femmes, le handicap, l’esclavagisme moderne, l’extrémisme religieux…
Tous les films ne sont pas homogènes en termes de qualité, certains sont pleins d’allégories (un peu trop à mon goût) comme « Le rat » avec lequel j’ai moins accroché. Cela ne vous surprendra pas, j’ai beaucoup aimé « 27e jour de Chaabane » (deux jeunes gens se fixent un rendez-vous galant malgré l’interdit) et « Rideau » (une infirmière doit gérer le regard des hommes au travail), qui traitent de la place de la femme et de l’amour en Arabie saoudite. Certains films sont tirés d’une histoire vraie (« Wasati » par exemple, qui a comme contexte une attaque extrémiste lors d’une des premières représentations théâtrales à Riyadh) et d’autres sont pure fiction pour mieux aborder des sujets réels (« Catastrophe en vue » qui prend comme cadre un crash d’avion). Une véritable fresque sociétale, pleine d’autodérision, que je vous conseille de regarder avant un voyage en Arabie saoudite ou juste pour mieux comprendre ce pays !
30/12/2021
my blog
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Leslie Leroy
Thank you very much for your feedback, and glad you appreciated it!
Al-Haram al-Nabawi
Pour moi aussi médine a été un véritable coup de coeur, ma découverte de la mosquée du prophète muhammad a été le point culminant de ma visite de médine, elle dégage tellement de spiritualité qu’elle ne m’a pas quitté depuis
Leslie Leroy
Merci pour votre partage d’expérience ! <3
Coupable
Arabie Saoudite: Neymar, Benzema, Ronaldo ou encore Edouard Mendy ne vous montreront jamais ça sur leur compte Instagram.
« Certaines personnes ont été déchirées en deux », « une pluie de balle », des viols, des exécutions sommaires, des tirs à bout portant et usage de bombes : voilà ce que révèle le rapport terrifiant que vient de publier Human Rights Watch.
Entre mars 2022 et juin 2023, les gardes-frontières saoudiens ont tué au moins des centaines d’exilés et de demandeurs d’asile éthiopiens.
Et cette politique criminelle continue : https://lnkd.in/egjCdrqE
« Les gardes-frontières saoudiens ont utilisé des armes explosives pour tuer de nombreux migrants et en ont abattu d’autres à bout portant, y compris de nombreuses femmes et enfants, dans le cadre d’une série d’attaques généralisées et systématiques. » Human Rights Watch
Parmi les nombreux actes de cruauté, un jeune homme de 17 ans a par exemple été forcé par les gardes-frontières à violer deux survivantes après que les gardes eurent exécuté un autre migrant qui avait refusé de violer une autre survivante : https://lnkd.in/egjCdrqE
L’Arabie saoudite dépense des milliards pour s’attacher les services de footballeurs prestigieux et redorer ainsi son image. A nous de ne pas tomber dans le panneau et de montrer l’envers du décor.
Qu’ils le veuillent ou non, Karim Benzema, Neymar ou encore Sadio Mané sont des pions dans la stratégie de communication d’un régime qui massacre des civils à ses frontières.
Après ce rapport terrifiant d’HRW, vont-ils garder le silence et faire comme si de rien n’était ?
Et mettre comme d’habitude l’argent au dessus de tout ?
Antoine Griezmann a montré que les sportifs pouvaient aussi défendre des principes : il avait rompu son contrat avec Huawei et dénoncé les crimes contre les Ouighours.
Le silence ou la décence : le choix vous appartient.
Edouard Mendy , Karim Benzema , Sadio Mane, Neymar, Ronaldo.
Mais au-delà des sportifs qui participent à la communication du régime, il y a l’immense question: y aura-t-il des conséquences politiques à ces crimes?
Comptez sur moi pour soulever la question au Parlement européen dans les prochaines semaines et pour demander que les responsables de ces crimes soient intégrés à la liste des sanctions européennes.
https://www.hrw.org/report/2023/08/21/they-fired-us-rain/saudi-arabian-mass-killings-ethiopian-migrants-yemen-saudi